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— Monsieur Bigot, dit la jeune fille avec impatience, laissez-moi être franche. Rien ne me déplaît en vous, mais je ne vous aime pas !…

— Pourquoi ?

— Parce que… je ne vous aime pas comme je crois qu’il faudrait vous aimer pour être heureuse du choix que vous avez daigné faire… Tenez, monsieur, lorsque vous avez semblé donner à mon père des preuves si grandes d’affection, d’amitié serviable, j’ai ressenti pour vous un profond sentiment de reconnaissance et… ce sentiment a duré… jusqu’à l’instant… où vous lui avez fait comprendre qu’il ne pouvait me laisser libre de vous refuser ma main.

— Ah ! vous vous rappelez ?

— Tout, monsieur.

— Permettez-moi d’espérer que vous m’aimerez un jour, reprit Bigot après quelques moments d’un silence embarrassant.

Claire fit un geste de dénégation empreint d’un tel sentiment de dédain, qu’un éclair de colère passa dans les yeux de l’intendant.

— Ainsi, vous ne m’aimerez jamais ? dit-il d’une voix moins assurée.

— Jamais, monsieur.

— Suivant vous que devrais-je donc faire ?