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l’aimais pas, que je ne l’aimerais jamais parce que j’avais donné mon cœur à un autre, il m’a quittée furieux pour revenir quelques jours après déclarer à mon père que son honneur et sa liberté étaient en péril, que des accusations graves avaient été lancées contre lui et qu’on avait même préparé un rapport qui serait présenté au gouverneur. Mon mariage seul pouvait tout sauver, car M. Bigot étant tout puissant dans la colonie, fort bien à la cour de France, il saurait bien soustraire au danger son beau-père. Vous comprenez ?…

— Oui, je comprends, pauvre enfant sans expérience, que dans votre naïf dévouement filial, vous n’avez pensé qu’à vous sacrifier.

— Pouvais-je faire autrement ? Ne m’auriez-vous pas méprisée si j’avais hésité ?

— Mais heureusement que votre sacrifice ne sera pas nécessaire, espérons-le ; j’en connais assez maintenant pour voir clair dans le jeu de votre persécuteur.

— Ne vous faites-vous pas de fausses espérances ?

— J’espère que non, d’autant plus que M. de Vaudreuil a soupçonné tout ce que vous venez de me dire, et que quand il en aura la certitude, il ne peut manquer d’agir.

Priez Dieu, ma Claire adorée, qu’il me donne