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Dorothée a dû vous apprendre dans quel état elle m’a quittée, après la lecture de votre lettre. Je ne savais que faire, que tenter, quel parti prendre. Tantôt je voulais me rendre au palais, provoquer Bigot sur l’heure, le tuer ou me faire tuer par lui ; tantôt je voulais me rendre auprès de vous, faire appel à votre amour, vous emmener bien loin, vous enlever de force, s’il le fallait.

Dorothée, en faisant appel à ma raison, ou plutôt à mon cœur, — car les amoureux raisonnent-ils dans ces circonstances-là ? — Dorothée, dis-je, parvint à me calmer un peu.

Quand je me trouvai seul, je montai sur la terrasse où j’avais quitté le gouverneur pour répondre à votre appel, et c’est alors qu’une pensée lumineuse, une pensée du ciel me traversa l’esprit : tout confier à M. de Vaudreuil et lui demander sa protection.

— Quelle imprudence ! s’écria Claire.

— Vous allez voir que non, quand vous connaîtrez dans quels termes je suis avec le gouverneur.

Je suis son secrétaire, vous le savez, mais je suis en même temps son protégé et il me traite comme si j’étais son enfant. C’est sans doute par la haute protection de Mgr l’Évêque que j’ai été attaché à sa personne ; mais depuis