— Monseigneur, dit Louis Gravel, depuis tantôt deux années que je vis près de vous, grâce à la recommandation de Mgr l’évêque, je bénis le ciel tous les jours de m’avoir fait la part si belle. Car vous avez été non-seulement pour moi le plus bienveillant des maîtres, mais encore le meilleur des pères. C’est à vous que je dois ma place de secrétaire, c’est encore à votre haute protection que je dois mon entrée dans le régiment du Béarn en qualité d’officier, quoique je n’appartienne pas à la noblesse.
Tant que je n’ai connu que le bonheur, je me suis laissé vivre avec insouciance, sans m’occuper du lendemain, toujours content du présent, ne pensant pas même à vous remercier. Mais aujourd’hui que le malheur me frappe dans mes plus chères affections, comme ces enfants gâtés qui ne se souviennent de leurs parents que quand ils souffrent, quand ils ont besoin de consolations, je viens à vous pour vous dire : « Monseigneur, je suis malheureux, consolez-moi ! protégez-moi ! »
— De quoi s’agit-il donc, mon enfant ? Vous voyez que je suis à votre entière dévotion, car je vous aime parce que vous m’êtes dévoué sans calculs et que vous le méritez à tous égards.
— Monseigneur, j’aime de toutes les forces de mon âme une jeune fille, j’en suis aimé et cependant je vais la perdre.