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— Comment ! J’enveloppe ce jeune homme dans mon sacrifice, ce jeune homme qui ne laissera dans mon esprit, dans mon cœur, que le souvenir de ses bienfaits, et je n’aurai pas le courage de passer par-dessus de vaines convenances pour lui dire adieu !

Quand je lui ai juré, de mon propre mouvement, de ne pas être la femme d’un autre, si je n’étais la sienne, je n’aurai pas une bonne parole pour le consoler !

Que dira-t-il ? Né m’accusera-t-il pas d’être parjure à mes serments ?

Oh ! je consens à le perdre pour sauver l’honneur de mon père : je ne veux pas qu’il me méprise !…

— Calmez-vous ! reprit Dorothée, alarmée de la surexcitation de la jeune fille, oui, vous avez raison, écrivez-lui, et je vous promets de lui remettre votre lettre de suite, dussé-je parcourir toute la ville.

Claire, restée seule, s’assit devant son écritoire et écrivit la lettre suivante :


« Mon ami,

« Je vais vous faire bien de la peine en vous, disant qu’un sort inexorable nous sépare pour toujours. Je vous aime bien, mon ami, je vous aime à en mourir — ne puis-je pas le déclarer