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— J’ai de la religion, mon ami, et bien m’en prend ; je ne crois pas qu’homme du monde en ait autant besoin que moi.

(L. à Vernes, 1753.)

— Plus je m’efforce de connaître l’essence infinie, moins je la conçois ; mais elle est, cela me suffit ; moins je la conçois, plus je l’adore. Je m’humilie et lui dis : Etre des êtres, je suis, parce que tu es ; c’est m’élever à ma source que de te méditer sans cesse. Le plus digne usage de ma raison est de s’anéantir devant toi : c’est mon ravissement d’esprit, c’est le charme de ma faiblesse de me sentir accablé de ta grandeur.

Voulons-nous pénétrer dans ces abîmes de métaphysique qui n’ont ni fond ni rive, et perdre à disputer sur l’essence divine ce temps si court qui nous est donné pour l’honorer ? Nous ignorons ce qu’elle est, mais nous savons qu’elle est : que cela nous suffise ; elle se fait voir dans ses œuvres, elle se fait sentir au dedans de nous. Nous pouvons bien discuter contre elle, mais non pas la méconnaître de bonne foi.

— Rien n’existe que par celui qui est. C’est lui qui donne un but à la justice, une base à la vertu, un prix à cette courte vie employée à lui plaire ; c’est lui qui ne cesse de crier aux coupables que leurs crimes secrets ont été vus et