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celui qui s’y trouve, ferait, telle qu’elle est, le bonheur de cent autres.

— L’ambition compte toujours pour rien ce qu’elle acquiert et pour tout ce qui lui échappe.

— Je défie aucun homme sensé de contempler une heure durant le palais d’un prince et le faste qu’on y voit briller, sans tomber dans la mélancolie et déplorer le sort de l’humanité.

— Les hommes livrés à l’amour-propre et à son triste cortége ne connaissent plus le charme et l’effet de l’imagination. Ils pervertissent l’usage de cette faculté consolatrice ; au lieu de s’en servir pour adoucir le sentiment de leurs maux, ils ne s’en servent que pour l’irriter. Mais celui qui, franchissant l’étroite prison de l’intérêt personnel et des petites passions terrestres, s’élève sur les ailes de l’imagination au-dessus des vapeurs de notre atmosphère, celui qui, sans épuiser sa force et ses facultés à lutter contre la fortune et la destinée, sait s’élancer dans les régions éthérées, y planer et s’y soutenir par de sublimes contemplations, peut de là braver les coups du sort et les insensés jugements des hommes. Il est au-dessus de leurs atteintes, il n’a pas besoin de leur suffrage pour être sage, ni de leur faveur pour être heureux. Enfin, tel est en nous l’empire de l’imagination et telle en