Page:Rousseau - La Profession de foi du Vicaire Savoyard, 1914, éd. Masson.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AVANT-PROPOS

Que ce travail m’ait coûté beaucoup de temps, il importe peu : « le temps ne fait rien à l’affaire » ; mieux vaut, semble-t-il, montrer son utilité. Elle est d’abord négative. Si jamais on avait espéré pouvoir établir une édition complète de Rousseau, où l’on aurait donné, pour chacune de ses œuvres, les variantes intégrales de tous ses Manuscrits encore existants, j’imagine que ce gros volume découragerait l’entreprenant idéaliste qui aurait pu y songer. Il faudra que les futurs éditeurs de Rousseau imposent des limites à leurs scrupules ou aux exigences de leurs lecteurs. Cependant la méthode que je me suis prescrite ici peut, à mon avis, présenter des avantages pour un texte restreint, comme la Profession. On verra plus loin quelle est cette méthode : avec ses inconvénients, que je ne me dissimule pas, elle permettra, si je ne me trompe, de pénétrer plus avant dans l’intimité intellectuelle et artistique de Jean-Jacques. Il n’est pas sans intérêt que, dans l’œuvre entière d’un grand écrivain, il y ait un texte privilégié, dont on puisse suivre pas à pas la genèse et le développement, où l’on puisse venir étudier par le menu son vocabulaire, les procédés, j’allais presque dire les manies, de son style, et l’allure instinctive de sa pensée. En outre, la Profession de foi du Vicaire Savoyard n’occupe pas seulement une place capitale dans la vie et l’œuvre de Rousseau : elle est aussi une manière de centre spirituel, où presque tous les systèmes philosophiques et religieux du XVIIIe siècle siècle ont, en quelque sorte,