Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
La Monongahéla

on ne reconnaissait plus les vives allures de l’activité ordinaire, tandis que les rares boutiquiers de l’époque se précipitaient sur le pas de leur porte pour voir défiler la foule.

À quel spectacle couraient donc ces dignes habitants d’une ville encore à son berceau ? Quelle catastrophe les arrachait ainsi à leurs occupations ? Quelle perte pouvait donc, comme un voile de deuil, répandre sur toute la ville ce souffle de tristesse ?

Jean-Marie Mercier, taillandier, devisant sur sa porte avec Mathurine Dumas, la mercière du coin, va nous l’apprendre.

— L’enterrement du saint se fait-il pour sûr demain, ma commère ? disait Jean-Marie.

— Pour sûr et certain, mon compère, répliquait Mathurine, que même le bedeau de la cathédrale qui est venu ce tantôt chercher ma dernière aune de crêpe, m’a dit que la procession se mettrait en marche juste à sept heures demain matin.

— Est-ce vrai que le corps va être porté dans les quatre églises de la Haute-Ville ?

— Qui a pu vous dire cette nouvelle ? voisin. Serait-il possible que le bedeau m’aurait caché cet important détail ? reprit Mathurine, vexée à la pensée seule que son voisin pouvait être mieux informé.

— Comment ! vous ignorez ? Mais vous n’étiez donc pas hier soir à la récitation de l’office des morts