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La Monongahéla

était large, le nez droit, la bouche s’inclinait comme un arc tendu, le menton se bombait sous la lèvre inférieure, avec la ligne superbe des bustes romains.

Daniel était d’une taille assez élevée, élégante et souple qui, sous une attitude d’indolence affaissée, décelait le ressort et l’élasticité vigoureuse des races félines, et qui lui donnait à un degré extrême ce qu’on appelle l’air distingué. Ses cheveux, fins et soyeux, d’un ton châtain veiné de teintes blondes, se faisaient rares sur les tempes. Son front était beau, mélancolique et remarquablement pur. Deux rides verticales, creusées entre les sourcils, indiquaient cependant l’effort habituel de la pensée et la maîtrise coutumière de la volonté. La sévérité presque alarmante de ce trait se trouvait tempérée avec un grand charme par l’expression très-douce, très-bienveillante et un peu triste de ses yeux, qui étaient voilés de longs cils féminins.

Le premier ne rêvait que plaies et bosses, sus à l’ennemi, gais compagnons à l’abordage, campagnes glorieuses pour goûter ensuite un repos bien gagné.

Le second, quoique fortement attaché à la carrière qu’il avait choisie, portait ses aspirations vers des régions plus paisibles et plus douces : l’étude et les joies pures du foyer domestique entre une femme aimée et des enfants chéris.

Tous deux appartenaient à d’excellentes familles et étaient intimement liés depuis l’enfance. Aussi