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La Monongahéla

cœur n’est pas atteint peut-être, mais qu’excite toujours chez la femme une voix émue, chaude, passionnée qui chante un hymne à sa beauté.

Tout entier à ces doux et amers souvenirs que lui seul paraissait se rappeler, tel que l’homme qui cherche à recomposer dans le cristal troublé d’un ruisseau les gracieuses images que reflétait jadis son eau limpide, Daniel reprit d’une voix douce et plus émue :

— Hélas ! je me rappelle aussi ces fleurs de lianes que je cueillais pour vous et qui me semblaient plus fraîches, plus odorantes quand elles s’étaient imprégnées du parfum de vos cheveux ! Ce doux parfum n’était-il donc qu’un poison subtil qui s’infiltrait dans mon cœur pour y faire naître un amour incurable ? Fou que j’étais ! Ces campanules me disaient : « Enivre-toi et espère ? » Moi je m’enivrais en espérant ! Est-il possible, Dona Maria, que vous ayez oublié ?

— Non, dit la jeune fille d’une voix faible comme un murmure, peut-être pour ne pas trahir un léger tremblement que Daniel ne comprit pas, non, je n’ai pas oublié…

— Et tout cela est oublié, parce qu’un galant suranné se présente qui peut offrir l’opulence et ne demande votre main que pour servir sa vanité.

La voix de Doña Maria vibra dans la nuit avec force, tandis qu’une légère expression de dédain gon-