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La Monongahéla

rêveuse qui s’alliait chez lui à l’énergie du marin accoutumé aux dangers.

Sa situation présente était donc en rapport avec cette double disposition. Son amour était menacé, la conduite de Dona Maria à son égard le lui disait que trop ; un secret pressentiment l’avertissait en outre qu’il était entouré d’ennemis.

Cependant l’heure avançait. Daniel prit son manteau, dont il se couvrit, boucla son épée, la seule arme qu’il eût en sa possession, et se disposa à sortir sans bruit, livré à la plus cruelle agitation, comme un homme dont le sort va se décider dans quelques minutes.

L’œil aux aguets, le pied prudent, l’oreille aux écoutes, il traversa doucement le jardin silencieux et longea le bâtiment principal pour atteindre la tourelle de l’ouest où se trouvait la chambre de Dona Maria. Une faible clarté venant mourir sur le sable du jardin s’échappait de la croisée ouverte.

Derrière de forts barreaux de fer, la jeune fille vêtue de blanc et debout, dans une attitude pleine de grâce et de laisser-aller, se détachait de la baie lumineuse de la fenêtre comme une mystérieuse et charmante apparition, tandis que se dessinait à quelques pas la silhouette revêche de la vieille Inès.

Au milieu de cette nuit calme et embaumée, elle était plus séduisante encore, s’il était possible, que dans le salon du commandant ; car c’est à travers