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La Monongahéla

Était-ce pure coquetterie cependant qui faisait agir ainsi la jeune fille ?

Sans doute elle était trop belle et trop fille d’Ève pour ne pas sacrifier à ce défaut de toutes les femmes ; en outre elle était espagnole et de plus ambitieuse des richesses, en ce sens qu’ayant connu la misère, elle la craignait. Or, quand aux battements précipités de son cœur elle sentait tout l’empire, toute la place que Daniel prenait dans son existence, elle s’effrayait.

Quel avenir attendre d’un pauvre officier sans fortune qu’elle était exposée tous les jours à perdre et, qui la laisserait dans l’indigence ? Au contraire, Don Gusman, par sa position, ses relations, ses grandes richesses, était un parti certain et envié par les plus grandes familles.

Tel était le langage que lui tenait la raison. Car le cœur lui disait bien d’autres choses, et surtout que le bonheur était aux côtés du jeune officier français.

Voilà pourquoi elle avait des revirements soudains qui faisaient tant souffrir le pauvre Daniel.


XV

Le rendez-vous.


Don Gusman, quoique d’un esprit très-borné et d’une suffisance extrême, ne voyait pas sans un œil