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La Monongahéla

cette beauté exquise, dont les yeux et l’âme d’un poète devaient être particulièrement touchés, il sentit vers Dona Maria un élan irrésistible, et, sans aucune vue du lendemain, il résolut de lui plaire ou de périr.

Toutes les ressources et toutes les richesses qu’il avait dans l’esprit, toutes les grâces qu’il avait dans le cœur, il les prit pour ainsi dire à pleines mains pour les répandre aux pieds de la jeune fille.

Bien que Dona Maria ne put saisir dans son langage l’ombre d’un compliment direct, elle sentait, avec le tact d’un femme que les yeux, l’accent, la parole entraînée de Daniel était un hommage continuel à son adresse ; elle comprenait qu’elle était l’inspiratrice unique de cette verve éloquente avec laquelle il lui confiait ses impressions, ses désespoirs et ses joies, touchant à tout dans sa route en homme qui suppose à la personne qui l’écoute une intelligence ouverte à toutes les choses de la terre et du ciel.

Cette flatterie souveraine, dont elle était digne, flattait sa fierté espagnole, la charmait et la troublait. Elle craignait secrètement de lui paraître sotte et puérile.

Et cependant le jeune homme admirait la justesse de ses moindres paroles et l’exquise sensibilité de ses impressions.

C’est surtout quand elle lui raconta un soir, à la clarté des étoiles, assis tous les deux sur la vérandah,