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La Monongahéla

Pour donner une idée des difficultés de l’entreprise, il suffira de rapporter les paroles que les Poutouatamis, nation sauvage de l’ouest, adressèrent au P. Marquette avant son départ de leurs villages : « Ne savez-vous pas, dirent-ils, que ces nations éloignées n’épargnent jamais les étrangers ; que les guerres infestent leurs frontières de hordes de pillards ; que la Grande-Rivière abonde en monstres qui dévorent les hommes, et que les chaleurs excessives y causent la mort ? »

En dépit de ces funestes prédictions, les deux intrépides découvreurs se mirent en marche, accompagnés de cinq français et de deux guides sauvages. Bientôt ceux-ci, effrayés de l’audace de l’entreprise, revinrent sur leurs pas ; les cinq français continuèrent seuls leur route.

Après huit jours de navigation, à leur grande joie, ils débouchèrent tout à coup dans le grand fleuve.

« Les deux canots, dit Bancroft déjà cité, ouvrirent alors leurs voiles sous un nouveau ciel, à de nouvelles brises ; ils descendirent le cours calme et majestueux du tributaire de l’océan ; tantôt ils glissaient le long de larges et arides bancs de sable, refuges d’innombrables oiseaux aquatiques ; tantôt ils rasaient les îles qui s’élèvent au milieu du fleuve et que couronnaient d’épais massifs de verdure ; tantôt enfin, ils fuyaient les vastes plaines de l’Illinois et de l’Iowa, couvertes de forêts magnifiques ou par-