Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
La Monongahéla

Enfin, dès l’aurore, le jour de l’an au matin, la petite troupe se mit en marche. Malgré les précautions les plus minutieuses, M. de Saint-Ovide, à trois cents pas du fort, fut aperçu par l’ennemi.

— La garnison a oublié de fermer la porte du chemin couvert, dit-il à Nicolas de Neuville, qui marchait auprès de lui, enlevez-moi ça avec vos Canadiens !

— Pompon-Filasse, mon garçon, v’là l’occasion de montrer la longueur de ton courage, disait en ce moment le vieux maître à son élève favori.

— Maître, ça me fait toujours un drôle d’effet quand on va se donner le coup de torchon, répondit l’enfant.

— Pense au vieux Gabier qui commande là-haut, au-dessus des nuages. Il n’y a pas de lâcheté d’y avoir une intention. C’est pas à dire, mon garçon, il y a dans la vie des circonstances où la seule bravoure est un chétif moyen pour remonter le courage des créatures !

— En avant ! matelots ! À l’abordage ! Qui m’aime me suive ! cria de Neuville d’une voix de stentor.

Les matelots s’élancèrent sur ses pas et disparurent dans le chemin couvert, pour reparaître un instant après sur les remparts du premier fort qui fut enlevé haut la main, même avant l’arrivée du gros de la troupe.