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Histoire critique de la rédaction des confessions


dire à l’époque où Rousseau commença la rédaction de la seconde partie des Confessions. L’auteur la rédigea pendant l’hiver de 1769 à 1770, et se servit dans ce but d’encre de Chine, afin de déjouer les complots de ses ennemis, qui s’efforçaient, selon son idée fixe, de lui enlever l’encre ordinaire.

Morin dans son Essai sur la vie et le caractère de J.-J. Rousseau, p. 592 nous donne une description de ce manuscrit de Rousseau. »L’écriture, dit il, en est extrêmement ténue ; elle occupe toute la surface des pages excepté en dedans, ou il reste une marge d’un centimètre et demi de largeur tout au plus. Cette forme, singulièrement compacte, s’explique très bien. Tourmenté par la crainte de voir son travail tomber entre les moins de ses ennemis, Rousseau dut s’appliquer à lui donner le moins de volume possible. On trouve dans le VIIme livre des Confessions une note relative à Duclos, et ainsi conçue » Voilà ce que j’aurais toujours pensé, si je n’étais jamais revenu à Paris.« Cette note est écrite en long sur la marge de la page ; l’encre qui a servi à l’écrire est moins noire que celle du texte. À ce sujet, je rappellerai une idée extravagante énoncée par Rousseau dans les Dialogues, il prétend que, lorsqu’il écrivait en Dauphiné la seconde partie de ses Confessions, on était parvenu à écarter de lui toute encre lisible, et qu’il avait été obligé d’employer de l’encre de Chine. En effet, la teinte de cette substance est très reconnaissable dans cette fraction du manuscrit, et tranche avec celle de l’encre ordinaire qui a servi à écrire la première partie. [1] Il est donc évident que la note dont il s’agit a dû être écrite postérieurement au texte, et qu’elle date de l’époque à laquelle Rousseau habitait Paris (1770—1778), puisqu’elle fait mention d’une circonstance de son séjour dans cette ville. Presque toutes les autres notes du manuscrit sont en surcharge, comme celle dont je viens de parler, et offrent la même différence dans la teinte de l’encre, . . . . . . . . . . On ne trouve pas, dans le manuscrit de la Bibliothèque (de Paris) , le paragraphe final du XIIme livre des Confessions, qui commence ainsi : »J’ajoutai ce qui suit« etc.

Nous avons prouvé que Rousseau a terminé la rédaction du XIIme livre des Confessions dans les derniers jours de 1770 ou dans les premiers de 1771. Depuis lors seulement l’auteur a transcrit la copie de la seconde partie de ses Confessions, c’est à dire la seconde moitié du manuscrit de Moultou. Il travailla assez longtemps. Car la »fame deu gean ieacque rousseau«, — c’est ainsi que Thérèse Levasseur signe ses lettres, — se rappela avec M. du Peyrou les jours où son mari prit, d’après

  1. Barruel-Beauvert dit dans son ouvrage intitulé ; Vie de J.-J. Rousseau p. 390 note, que Rousseau écrivit d’abord ses Mémoires avec une encre fort blanche ; mais comme elle papillotait à la vue, continue Barruel, et le fatiguait beaucoup, Rousseau eut la patience de repasser tout son ouvrage laborieusement depuis le premier mot jusqu’au dernier ; et ce fut de cette copie ainsi retravaillée qu’il fit la lecture. — Mercier, De J.-J. Rousseau etc. (I. 253 note 1) dit la même chose en ajoutant : »et j’ai vu la copie ainsi travaillée.«