À la fin de sa première lecture, chez le comte d’Egmont, l’auteur des Confessions dit un épilogue non moins solennel et non moins grave que son discours d’introduction. »J’ai dit, telles furent ses paroles, la vérité: si quelqu’un sait des choses contraires à ce que je viens d’exposer, fussent-elles mille fois prouvées, il sait des mensonges, et des impostures; et s’il refuse de les approfondir et de les éclaircir avec moi tandis que je suis en vie, il n’aime ni la Justice ni la vérité. Pour moi, je le déclare hautement et sans crainte: quiconque, même sans avoir lu mes écrits, examinera par ses propres yeux mon naturel, mon caractère, mes mœurs, mes penchants, mes plaisirs, mes habitudes, et pourra me croire un malhonnête homme, est lui-même un homme à étouffer.« [1]
Personne n’a manifesté une plus grande fierté morale, personne n’a provoqué plus hardiment le jugement de ses semblables que l’auteur des Confessions. C’est, il est vrai, dans l’intimité qu’il s’est montré tel qu’il était et qu’il a dépeint en même temps ses amis d’autrefois, mais il n’a jamais réclamé le secret. Il permit que ses auditeurs prissent des notes et les envoyassent aux journaux, ainsi que le fît Dorat. De la sorte M. de la Tourette fut étonné de trouver dans l’Avant-coureur que Rousseau avait lu ses Mémoires devant plusieurs amis. [1] Rousseau a même confié son manuscrit à ses amis, et Rulhière put le montrer au roi de Suède. [2] Bientôt tout Paris parla des mémoires de Rousseau, et beaucoup de gens se sentirent blessés par ses audacieuses indiscrétions. M. de Malesherbes pria Dusaulx de décider l’auteur à supprimer certains articles
- ↑ a et b Oeuvres compl. Conf. IX. 82. Nous avons dû transcrire ici tout ce passage, parce qu’encadré dans l’ensemble des éclaircissements que nous donnons, il est mis pour la première fois sous son vrai jour.
- ↑ Dusaulx, De mes rapports, etc. — Lettre de M. de la Tourette à M. J.-J. Rousseau. Janvier 1772. Manuscr. de Neuchâtel. — Voyez Correspondance etc. par Grimm etc. IX. 275. Pendant le séjour du prince royal de Suède à Paris dans les premiers mois de 1771 son père mourut et il devint roi étant à l’étranger.
(Oeuvres de J.-J. Rousseau, Édition de Genève. 1782. XXX. 260, note g.)