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Lectures confidentielles des confessions etc.


sonnes de la plus haute aristocratie, fait observer Grimm —, voilà la société parisienne de Jean-Jacques Rousseau en 1770.

Avant la fin de cette année il fut intimement lié au comte et à la comtesse d’Egmont. [1] C’est à eux et à leurs connaissances, au prince de Pignatelli, à Mme  la marquise de Mesme, et au marquis de Juigné qu’il fit la première lecture de ses Confessions. La seconde eut lieu chez M. Pezay devant une société d’hommes de lettres composée de Dusaulx, Dorat, Barbier de Neuville, le Mierre. La troisième et dernière séance se fit chez le poète Dorat, où une foule de jeunes littérateurs inconnus se pressait autour de Rousseau. Ces trois conférences eurent lieu durant l’hiver de 1770 à 1771, et cela avant le 9 février 1771, car Dusaulx assista à la seconde ainsi qu’à la troisième, et l’amitié de Rousseau pour Dusaulx finit le 9 février 1771. L’auteur des Confessions commença chaque conférence par la lecture d’un petit discours de deux ou trois pages, pour »capter, comme dit Dusaulx, la bienveillance et l’attention de son auditoire.« [2] Ce petit discours nous est parvenu, et en le relisant nous voyons combien Dusaulx lui-même l’avait mal compris. [3] L’auteur y expose tous les motifs de la lecture des Confessions. Il voulait, selon sa déclaration expresse, »placer son dépôt dans des cœurs vertueux et honnêtes qui en conservent le souvenirs«, parce qu’il ne lui restait point »d’autres moyens sûrs pour le conserver«, vu que ses »vils accusateurs« n’attendaient que sa mort pour »rendre publiques leurs sourdes impostures«. Il lui »importe que les détails de sa vie soient connus de quelqu’un qui aimât la justice et la vérité et qui fût assez jeune pour devoir naturellement lui survivre«. Il voulait »faire ses Confessions aux hommes de bien et il les priait d’en recevoir le dépôt dans leur mémoire sans autres conditions que d’en user durant sa vie pour vérifier dans les conditions, ce qu’il leur aurait dit et pour rendre, après sa mort, la justice qu’ils croyaient devoir à sa mémoire sans faveur et sans particularité.« Il »osa charger ses auditeurs de l’emploi le plus noble que des mortels puissent remplir sur la terre, puisqu’il s’agissait de décider, pour toute la postérité, si son nom, qui devait vivre, y devait passer avec opprobre ou avec gloire.«

C’est ainsi que Rousseau travailla pour »l’honneur de sa

  1. Boscha. p. 307. Comp. p. 296 note.
  2. Dusaulx. De mes rapports avec J.-J. Rousseau. — Rousseau, Oeuvres compl. Conf. IX. 82.
  3. Streckeisen-Moultou. Oeuvres et corresp. inédites de J.-J. Rousseau. p. 323 etc. Discours prononcé par J.-J. Rousseau etc. La publication de ce manuscrit est assez correcte mais »l’avis de l’éditeur« n’apprend au lecteur qu’une chose: l’ignorance de l’éditeur. — À l’égard du discours on remarquera par le passage final (»Vous êtes les premiers . . . . . . sacrifier à la vérité«) que l’on y a celui de la première séance, à laquelle assistaient des dames. Dans les deux autres conférences, Rousseau a naturellement supprimé ce passage.