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38 Histoire critique de la rédaction des confessions

Qui va se confesser se figure travailler h son propre salut. Néanmoins Rousseau, en expiant son mal par ses Confessions proclame qu’il y rendait un service sans pareil à toute l’huma- nité. »Si je remplis, lisons-nous dans le manuscrit cité: *Les Confessions .... Contenant le détail etc.», »si je remplis bien mes engagemens j’aurai fait une chose unique et utiles; et, plus de dix ans après, il qualifiait encore ses Confessions d’ouvrage >unique et utile,« (73) Souvent il s’y est expliqué lui-même. »Je conçois, annonçe-t-il dès 1764 dans ^Mon Portraits, un nouveau genre de service à rendre aux hommes ; c’est de leur offrir l’image fidèle d’un d’entre eux, afin qu’ils apprennent à se recon- naître< {74). Et dans les Confessions . . . Contenant le détail etc.: sj’ai résolu de faire faire à mes lecteurs un pas de plus dans la connaissance des hommes, en les tirant, s’il est possible, He cette règle unique et fautive de juger toujours du cœur d’autrui par le sien; tandis qu’au contraire il faudrait souvent pour connaître le sien même commencer par lire dans celui d’autrui .... Je veux tâcher que, pour apprendre à s’apprécier, on puisse avoir du moins une pièce de comparaison, que chacun puisse connaître soi et

un autre, et cet autre, ce sera mois Cet ouvrage

«sera toujours par son objet un livre précieux pour les philo- sophes: c’est, je le répète, une pièce de comparaison i>our l’étude du cœur humain, et c’est la seule qui existe.» (75)

La seule qui existe? Rousseau a soutenu cette thèse jusqu’à son dernier soupir et il était mime persuadé que son entreprise n’aurait point d’imitateur. (76) Mais il se contenta d’exposer que ni Montaigne ni Cardan ne le satisfaisaient; (77) au sur- plus il supprima cette exposition dans la rédaction définitive de ses Confessionz. À Montaigne il revient deux fois: en passant, dans les Confessions mêmes, et dans les Rêveries. (78) Pour le philosophe Cardan, il se tait sur son compte dans ses œuvres imprimées. Mais la chose la plus surprenante c’est le silence absolu de Rousseau sur Saint Augustin, chaque fois qu’il a à parler de ses prédécesseurs. »Jean Jacques», dit la Correspon- dance littéraire de Grimm en juillet 1 782, sn’est pas le seul homme célèbre qui ait eu la fantaisie de se confesser à la postérité. Sain* Augustin en avait donné l’exemple, à sa manière, dans ses Confessions; Cardan, le subtil Cardan, l’avait imité dans son livre de Vita propria, ouvrage plein de folie et de superstition, msùs où l’on trouve pour le moins autant de naïvetés, autant d’aveux secrets, autant de menus détails très-intérieurs et très-bizarres, que dans

(73) Filix Bovet, Fragm. inld. p. 9 et 4.

^74) Streckeisen-Moultou. Oiuvra il corr. ta. p. 289.

{75J Félix Bovet, Fragments inéd, ji. 6 ett. et 13.

(76) Oeuvres compl. Canf. VIII. 1. Voyez: Lettre à Mm* de Verdelin, du 25 mai 1766. L’artistf 1840. — Félix Bovet, Fragm. inèil, p. 4.

(77) Félix Bovet, ib. p. 8, 9,

(78) Oeuvra compl. Conf. Vin, 371. Rheries IX. 330.