Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

so DU CONTRAT SOCIAL. Dire qu’un homme se donne gratuitement, c’est dire une chose absurde et inconcevable; un tel acte est illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait n’est pas dans son bon sens. Dire la méme chose de tout un peuple, c’est supposer un peuple de fous : la folie ne fait pas droit. Quand chacun pourrait s’aliéner lui-meme, il ne peut aliéner ses enfants (1); ils naissent hommes et libres; leur liberté leur appartient, nul n’a droit d’en disposer qu’eux(2). Avant qu’ils soient en age de raison, le pére peut, en leur nom, stipuler des conditions pour leur conservation, pour leur bien-étre, mais non les donner irrévocablement et sans condition; car un tel don est contraire aux {ins de la nature, et passe les droits de la paternité. ll faudrait donc, entiére,en représentantases compagnons combien la paix est importante et nécessaire aux hommes et en faisant voir les inconvénients qui pourraient arriver s’ils entreprenaient de résister a Poliphéme qui les avait en son pou- voir. (1) Mourzsqutzu, Esprit des, Lois, liv. XV, chap. it-vt. Escuvacz. — Cette qualité (la liberté) de l’Etat populaire est méme une partie de la souveraineté. Vendre sa qualité de citoycn est un acte d‘une telle extrava- gance qu’on ne peut pas la supposer dans un homme. Si la liberté a un prix pour celui qui l'achéte, elle est sans prix pour celui qui la vend. La loi civile qui a permis aux hommes le partage des biens n’a pu mettre au nombre des biens une partie des hommes qui doivent faire ce partage. La ` loi civile qui restitue sur les contrats qui contiennent quelque lésion ne peut s’empécher de restituer contre un accord qui contient la lésion la plus énorme de toutes... ‘Si un homme n’a pu se vendre, encore moins a-t-il pu vendre son fils qui n’était pas né. (2) Locxe, Gouvernement civil, chap. vn. Du Commencement des sociétés politiques. — Et aujourd’hui, ceux qui sont nés sous un gouvernement établi et ancien ont autant de droit et de liberté qu`on en a jamais eu et qu’ils en pourraient avoir s’ils étaient nés dans un désert dont les habitants ne reconnaitraient nulles lois et ne vivraient sous aucun reglement. J’avoue que l’homme est obligé d’exécuter et accomplir les promesses qu’iI a faites pour soi et de se conduire conformément aux engagements dans lesquels il est entré; mais il ne peut par aucune convention lier ses enfants ou sa postérité. ‘ Il est clair par la pratique des gouvernements aussi bien que par les lois 'de la droite raison, qu’un enfant ne nait suiet d’aucun pays ni d’aucun gou- vernement. ll demeure sous la tutelle et l’autorité de son pére jusqu’a ce qu’il soit parvenu a Page de discernement; alors il est homme libre, il est dans Ia liberté de choisir le gouvernement sous lequel il trouve bon de vivre et de s’unir au corps politique qui lui plait le plus. _ _