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sociétés politiques : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants[1] ; et tous, étant nés égaux et libres,

    autres ne veulent pas faire la même chose. Le consentement général des hommes qui, d’un commun accord, se dépouillent de telle partie de leur liberté qu’ils jugent à propos pour le bien public est la voix de la nature.

  1. Platon, Des lois, liv. III. — Il paraît que ceux de ce temps-la (après le déluge) ne connaissaient point d’autre gouvernement que le patriarcat, dont on voit encore quelques vestiges en plusieurs lieux, chez les Grecs et les Barbares. Homère dit quelque part que ce gouvernement était celui des Cyclopes. « Ils ne tiennent point de conseil commun. On ne rend point chez eux la justice. Ils demeurent dans des cavernes profondes sur le sommet des hautes montagnes ; là, chacun donne des lois à sa femme et à ses enfants, se mettant peu en peine de son voisin. »

    Le poète se sert d’une fable pour représenter l’état primitif comme un état sauvage.

    Le plus ancien n’y a-t-il point d’autorité par la raison qu’elle lui est transmise de père et mère comme un héritage, de sorte que les autres, rassemblés autour de lui comme des poussins autour de leur mère, ne forment qu’un seul troupeau et vivent soumis à la puissance paternelle et à la plus juste des royautés…

    Par suite de cette variété d’usage (des familles), il aura fallu que les diverses familles s’assemblassent en commun et qu’elles chargeassent quelques-uns de leurs membres de divers usages particuliers. Ceux-ci après avoir pris dans chacun de ces usages ce qu’ils jugeaient de meilleur, l’avaient proposé aux chefs et aux conducteurs des familles comme à autant de rois et se seront acquis ainsi le titre de législateurs. Ensuite on aura nommé des chefs et le patriarcat aura fait place à l’aristocratie et à la monarchie.

    Aristote, Politique, liv. I, chap. 1 (Début). — Tout État est évidemment une association et toute association se forme en vue de quelque bien, puisque les hommes, quels qu’ils soient, ne font jamais rien qu’en vue de ce qui leur parait être bon. Il est donc clair que toutes associations visent à un bien d’une certaine espèce et que le plus important de tous les biens doit être l’objet de la plus importante des associations, de celle qui renferme toutes les autres, et celle-là, on la nomme précisément État et association politique. Des auteurs n’ont donc pas raison d’avancer que les caractères de roi, de magistrat, de père de famille et de maître se confondent ; c’est supposer qu’entre chacun d’eux, toute la différence est du plus au moins sans être spécifique…

    L’association première de plusieurs familles… c’est le village qu’on pourrait justement nommer une colonie naturelle de la famille…

    Si les premiers États ont été soumis à des rois et si les grandes nations le sont encore aujourd’hui, c’est que ces États étaient formés d’éléments habitués à l’autorité royale, puisque dans la famille le plus âgé est un véritable roi, et les colonies de la famille ont filialement suivi l’exemple qui leur était donné. Homère a donc pu dire : Chacun gouverne en maître ses femmes et ses fils. Dans l’origine, en effet, toutes les familles isolées se gouvernaient ainsi. De la encore cette opinion commune qui soumet les dieux à un roi ; car tous les peuples ont eux-mêmes jadis reconnu ou reconnaissent