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APPENDICE VII. 3g3 ce n’est plus comme juges du vrai et du faux, mais comme ministres des lois civiles qui reglent la forme extérieure du culte : il ne s’agit pas encore ici de cette partie; il en sera traité ci-aprés. Quant a la partie de 1a religion qui regarde 1a morale, c’est-a-dire la justice, le bien public, l’obéissance aux lois naturelles et positives. les vertus sociales et tous les devoirs de l’homme et du citoyen, il appartient au gouvernement d’en connaitre: c`est en ce point seul que la religion rentre directement sous sa juridiction, et qu’il doit bannir non l’erreur, dont il n’est pas juge, mais tout sentiment nui- sible qui tend a couper le nmud social...

 Si nos prosélytes sont maitres du pays ou ils vivent, ils établi-

ront une forme de culte aussi simple que leur croyance, et la religion qui résultera de tout cela sera la plus utile aux hommes par sa sim- plicité méme. Dégagée de tout ce qu’ils mettent a la place des vertus, et n’ayant ni rites superstitieux ni subtilités dans la doctrine, elle ira tout entiére a son vrai but, qui est la pratique de nos devoirs. Les mots de dévot et d’orthodoxe y seront sans usage; la monotonie de certains sons articulés n`y sera pas la piété; il n’y aura d‘impies que les méchants, ni de fidéles que les gens de bien. Cette institution une fois faite, tous seront obligés par les lois de s’y soumettre, parce qu’elle n’est point fondée sur l’autorité des hommes, qu’elle n’a rien qui ne soit dans l’ordre des lumiéres natu- relles, qu’elle ne contient aucun article qui ne se rapporte au bien de la société, et qu’elle n’est mélée §d’aucun dogme inutile a la mo- rale, d’aucun point de pure spéculation. Nosfprosélytcs seront-ils imolérants pour cela? Au contraire, ils seront tolérants par principes; ils le seront plus qu’on ne peut 1’étre dans aucune autre doctrine, puisqu’ils admettront toutes les bonnes religions qui nc s’admettent pas entre elles, c’est·a-dire toutes celles qui, ayant l’ess2ntiel qu’elles négligent, font l`essentiel de ce qui ne l’est point. En s’attachant, eux, a ce seul essentiel, ils laisseront les autres en faire a leur gré l’accessoire, pourvu qu’ils ne le reiettent pas: ils les laisseront expliquer ce qu’ils n’expliquent point, décider ce qu’ils ne décident point. Ils laisseront a chacun ses rites, ses for- mules de foi, sa croyance; ils diront: a Admettez avec nous les principes des devoirs de l’homme et du citoyen ; du reste, croyez tout ce qu’il vous plaira. » Quant aux religions qui sont essentielle- ment mauvaises, qui portent l’homme a faire le mal, ils ne les tolé- reront point, parce que cela meme est contraire at la véritable tolé- rance, qui n’a pour but que la paix du genre humain. Le vrai tolérant ne tolére point le crime; i1 ne tolére aucun dogme qui rende les hommes méchants. Maintenant supposons, au contraire, que nos prosélytes soient sous la domination d’autrui: comme gens de paix, ils seront soumis aux lois de leurs maitres, méme en matiére de religion, a moins que