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LIVRE IV. — CHAP. VII. zu sauvé; et, passé le besoin pressant, la dictature devient tyrannique ou vaine. A Rome, les dictateurs ne l’étant que pour six mois, la plupart abdiquérent avant ce terme. Si le terme Cfll été plus long, peut-étre eussent·ils été tentés de le prolonger encore, comme firent les décemvirs celui d’une année. Le dictateur n’avait que le temps de pour- voir au besoin qui 1’avait fait élire; il n’avait pas celui de songer a d’autres projets. ' CHAPITRE VII on LA cawsunz De meme que la déclaration de la volonté générale se fait par la loi, la déclaration du iugement public se fait par la censure; l’opinion publique est l’espece de loi dont le cen- seur est le ministre, et qu’i1 ne fait qu’appliquer aux cas particuliers, a l`exemple du prince. ° Loin donc que le tribunal censorial soit l’arbitre de l’opinion du peuple, il n’en est que le déclarateur et, sitot qu’il s‘en écarte, ses décisions sont vaines et sans effet. Il est inutile de distinguer les moeurs d’une nation des I objets de son estime; car tout cela tient au méme principe et se confond nécessairement. Chez tous les peuples du monde, ce n’est point la nature, mais l’opinion, qui décide du choix de leurs plaisirs. Redressez les opinions des hommes, et leurs mmurs s’épureront d’elles-mémes. On aime toujours ce qui est beau ou ce qu’on trouve tel; mais c’est sur ce jugement qu’on se trompe : c’est donc ce juge-· ment qu’il s’agit de régler. Qui juge des moeurs juge de l’honneur; et qui juge de l‘honneur prend sa loi de l’opi· mon. ` Les opinions d’un peuple naissent de sa constitution; quoique la loi ne regle pas les moeurs, c’est la législation qui les fait naitre; quand la législation s’af’faiblit, les mccurs