Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

malheureusement il’expulsion de Jacques II, qu’il appelle abdication, le forgait a se tenir sur la réserve, a gauchir, a tergiverser, pour ne pas faire de Guillaume un usurpateur. Si ces deux écrivains avaient adopté les vrais principes, toutes les difficultés étaient levées, et ils eussent été toujours conséquents; mais _ils auraient tristement dit la vérité et n’auraient fait leur cour qu’au peuple. Or, la vérité ne méne point a la fortune, et le peuple ne donne ni ambassades, ni chaires, ni pensions.

CHAPITRE III

SI LA VOLONTE GENERALE PEUT ERRER (1)

Il s’ensuit de ce qui précede que la volonté générale est toujours droite (2) et tend touiours a l’utilité publique : mais s il ne s’ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la méme rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pastoujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il parait Vouloir ce qui est mal.

Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale; celle-cine regarde qu’a l'intérét commun (3); l’autre regarde a l’intér<’-Et privé, et n’est qu’une

(1) Emile, liv. II.—Dans mes Principes du droit politique, il est démontré que nulle volonté particuliére ne peut etre ordonnée dans le systeme social.

(2) R. Manuscrit de Neuchétel. — Qu’est-ce qui rend les lois si sacrées, meme indépendamment de leur autorité, et si préférables a de simples actes de volonté? C’est précisément qu’e1les émanent d’une volonté générale et toujours droite a l’égard des particuliers, c’est encore qu’elles sont permanentes et que leur durée annonce a tous la sagesse et l’équité qui les ont dictées.

(3) R. 8• Lettre de la Montague. — Je ne connais de volonté vraiment libre que celle a laquelle nul n’a droit d’opposer de la résistance; dans la liberté commune, nul n’a droit de faire ce que la liberté d’un autre lui imerdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-meme. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction, car ainsi qu’on s’y prenne, tout gene dans l’exécution d’une volonté désordonnée.