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LIVRE II. — CHAP. Il. 5x En suivant de méme les autres divisions, on trouverait que, toutes les fois qu’on croit voir la souveraineté partagée, · on se trompe; que les droits qu’on prend pour des parties de cette souveraineté lui sont tous subordonnés, et sup- posent toujours des volontés suprémes dont ces droits ne donnent que l'exécution (1). On ne saurait dire combien ce défaut d’exactitude a jeté d’obscurité sur les décisions des auteurs en matiére de droit politique, quand ils ont voulu juger des droits res- pectifs des rois et des peuples sur les principes qu’ils avaient établis. Chacun peut voir, dans les chapitres m et rv du premier livre de Grotius, comment ce savant homme et son traducteur Barbeyrac s’enchevétrent, s’embarrasse¤t dans leurs sophismes, crainte d’en dire trop ou de n’en dire pas assez selon leurs vues, et de choquer les intéréts qu’ils avaient a concilier. Grotius, réfugié en France, mécontent de sa patrie, et voulant faire sa cour at Louis XIII, at qui son livre est dédié, n’épargne rien pour dépouiller les peuples de tous leurs droits et pour en revétir les rois avec · tout l’art possible. C’ef1t bien été aussi le gout de Barbeyrac, qui dédiait sa traduction au roi d’Angleterre George I". Mais grandes maximes d‘Etat ne sont pas A sa portée; il doit s’en rapporter la- dessus a ses chefs, qui, toujours plus éclairés que lui sur ce point, n’ont guere intérét A faire au dehors des traités désavantageux a la patrie : l’ordre veut qu’il leur laisse tout l’éclat extérieur, et qu’il s’attache uniquement au solide. Ce qui importe essentiellement A chaque citoyen, c’est l`observation des lois au dedans, la propriété des biens, la sureté des particuliers. (r) Locxs, pu Gouvernement civil, chap. xxx. De la subordination des pouvoirs de l’Etat. — I1 n‘y a qu’un pouvoir supréme qui est le pouvoir lé- gislatif, auquel tous les autres doivent étre subordonnés; mais cela n’em- péche pas que le pouvoir Iégislatif ayant été confié aiin que ceux qui l’ad- ministreraiem agissem pour certaines fins, le peuple ne se réserve toujours le pouvoir souverain d'abolir le gouvernement ou de le changer, lorsqu’il voit que les couducteurs en qui il avait mis tant de coniiance agissent d’une maniére contraire a la tin pour laquelle ils avaient été revétus d‘autorité. Mourzsqursu, Esprit des lois, liv. XI, chap. vt. — Tout serait perdu si le méme homme ou le méme corps des principaux, ou des nobles ou du peuple, exercait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les réso· lutions publiques et celui de iuger des crimes ou des différends des particu- liers.