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LIVRE II


CHAPITRE PREMIER
QUE LA SOUVERAINETÉ EST INALIÉNABLE

La première et la plus importante conséquence des principes ci-devant établis est que la volonté générale peut seule diriger les forces de l’État selon la fin de son institution, qui est le bien commun ; car si l’opposition des intérêts particuliers a rendu nécessaire l’établissement des sociétés, c’est l’accord de ces mêmes intérêts qui l’a rendu possible. C’est ce qu’il y a de commun dans ces différents intérêts qui forme le lien social ; et s’il n’y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle société ne saurait exister. Or c’est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée[1].

Je dis donc que la souveraineté, n’étant que l’exercice de la volonté générale, ne peut jamais s’aliéner, et que le souverain, qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même[2] : le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté.

En effet, s’il n’est pas impossible qu’une volonté parti-

  1. Hobbes, Léviathan, ch. xxx. — Quoniam juribus summa : potestatis essentialibus civitas dissolvitur reditque omnium in omnes belli calamitas, (id quod civitati malum maximum est) summis imperantis officium est, jura illa retinere integra. Itaque contra ofiicium facit primo si vel aliqua eorum deponit, vel ad alium transfert ; qui enim media idem finem deserit.
  2. R. Œuvres inédites publiées par Streckeisen-Moultou. — Toutes les fois qu’il est question d’un véritable acte de souveraineté, qui n’est que la déclaration de la volonté générale, le peuple me peut avoir des représentants parce qu’il lui est impossible de s’assurer qu’ils ne substitueront point leurs