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CHAPITRE II

Les Origines du Contrat social


« Si l’auteur n’eût été tout aussi singulier que ses livres, jamais il ne les eût écrits. » (Rousseau juge de Jean-Jacques, 3e dial., p. 479.)


Les circonstances de la vie de J.-J. Rousseau rendent particulièrement difficile la recherche des influences qui se sont exercées sur sa pensée. D’abord, ces influences sont très nombreuses : au cours de son existence vagabonde, il a pénétré dans tous les mondes et il a reçu de toutes mains des faits et des opinions ; d’ailleurs, quoi qu’il en ait dit quelquefois, il excellait à comprendre et à s’assimiler la pensée des autres[1]. Ensuite, ces influences si diverses ne se sont pas immédiatement traduites par des ouvrages contemporains de l’époque où elles étaient ressenties : Rousseau a longtemps vécu en silence, concentrant au fond de lui-même les impressions qu’il recueillait, les élaborant et les transformant dans ces méditations solitaires qui ont rendu possible la brusque explosion de son génie, et, lorsqu’il a publié coup sur coup ses œuvres maîtresses, sa personnalité y apparaît aussitôt si vigoureuse que toutes ses idées

  1. On en pourrait donner comme preuves le parti qu’il a su tirer des idées de Diderot, de Buffon, son intelligence remarquable de l’histoire romaine (Cf. C. s., IV, iv), etc.