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Les dogmes de la religion civile doivent être simples, en petit nombre, énoncés avec précision, sans explications ni commentaire. L’existence de la Divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat, social et des lois ; voilà les dogmes positifs [1]. Quant aux dogmes négatifs, je les borne à un seul : c’est l’intolérance ; elle rentre dans les cultes que nous avons exclus.

Ceux qui distinguent l’intolérance civile et l’intolérance théologique se trompent, à mon avis [2].

  1. La croyance à la Providence, à la vie future et à la sainteté des lois, voilà donc ce qu’il est indispensable d’admettre, selon Rousseau, pour être « bon citoyen et sujet fidèle ». Dans le Manuscrit de Genève, Rousseau ajoute ce développement : « Dans tout État qui peut exiger de ses membres le sacrifice de leur vie, celui qui ne croit point de vie à venir est nécessairement un lâche ou un fou ; mais on ne sait que trop à quel point l’espoir de la vie à venir peut engager un fanatique à mépriser celle-ci ; ôtez ses visions à ce fanatique et donnez-lui ce même espoir pour prix de la vertu, vous en ferez un citoyen » (édit. Dr.-Br. p. 294). — Cela est d’autant plus singulier qu’il n’avait donné d’autre fondement au contrat social (I, vi, etc.) que l’intérêt bien entendu des individus eux-mêmes et qu’il avait alors tiré tous ses raisonnements de la nature des choses, de l’homme et de la société. Cf. Introd., ch. I, § 5 et 6.
  2. L’intolérance civile consiste à attaquer ceux dont nous condamnons les doctrines dans l’exercice de leurs droits de citoyen : par exemple, à entraver leur liberté, confisquer leurs biens, etc. L’intolérance théologique consiste simplement à regarder l’erreur des autres comme un obstacle à leur salut et une cause de damnation. La seconde, dit Rousseau, entraîne nécessairement la première.