était mal fondée ; que la faiblesse de la capitale faisait alors sa sûreté contre les magistrats qu’elle avait dans son sein ; qu’un dictateur pouvait, en certain cas, défendre la liberté publique sans jamais y pouvoir attenter ; et que les fers de Rome ne seraient point forgés dans Rome même, mais dans ses armées. Le peu de résistance que firent Marius à Sylla, et Pompée à César, montra bien ce qu’on pouvait attendre de l’autorité du dedans contre la force du dehors.
Cette erreur leur fit faire de grandes fautes : telle, par exemple, fut celle de n’avoir pas nommé un dictateur dans l’affaire de Catilina ; car, comme il n’était question que du dedans de la ville, et, tout au plus, de quelque province d’Italie, avec l’autorité sans bornes que les lois donnaient au dictateur, il eût facilement dissipé la conjuration, qui ne fut étouffée que par un concours d’heureux hasards que jamais la prudence humaine ne devait attendre.
Au lieu de cela, le sénat se contenta de remettre tout son pouvoir aux consuls, d’où il arriva que Cicéron, pour agir efficacement, fut contraint de passer ce pouvoir dans un point capital, et que, si les premiers transports de joie firent approuver sa conduite, ce fut avec justice que dans la suite on lui demanda compte du sang des citoyens versé contre les lois, reproche qu’on n’eût pu faire à un dictateur [1]. Mais l’éloquence du consul entraîna tout ; et lui-même, quoique Romain, aimant mieux sa gloire
- ↑ Cicéron fut en effet accusé et plus tard exilé pour avoir fait mettre à mort illégalement les complices de Catilina : il avait obtenu leur condamnation du sénat, bien que celui-ci n’eût pas de pouvoir judiciaire.