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LIVRE QUATRIÈME



CHAPITRE Ier

QUE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE EST INDESTRUCTIBLE


Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté, qui se rapporte à la commune conservation et au bien-être général. Alors tous les ressorts de l’État sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires et lumineuses : il n’a point d’intérêts embrouillés, contradictoires ; le bien commun se montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour être aperçu. La paix, l’union, l’égalité sont ennemies des subtilités politiques. Les hommes droits et simples sont difficiles à tromper à cause de leur simplicité ; les leurres, les prétextes raffinés ne leur en imposent point : ils ne sont pas même assez fins pour être dupes. Quand on voit chez le plus heureux peuple du monde des troupes de paysans régler les affaires de l’État sous un chêne[1], et se conduire toujours sagement, peut-on s’empêcher de mépriser les raffi-

  1. En Suisse, ce genre d’assemblées du peuple s’est conservé jusqu’à aujourd’hui dans quelques cantons.