Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée

LIVRE TROISIÈME 267

vivre et mouvoir le corps politique, que le souverain donne au prince en instituant le gouvernement.

Plusieurs (*) ont prétendu que l'acte de cet établis- sement était un contrat entre le peuple et les chefs qu'il se donne, contrat par lequel on stipulait entre les deux parties des conditions sous lesquelles l'une s'obligeait à commander et l'autre à obéir. On con- viendra, je m'assure, que voilà une étrange manière de contracter. Mais voyons si cette opinion est sou- tenable.

Premièrement, l'autorité suprême ne peut pas plus se modifier que s'aliéner; la limiter, c'est la détruire. Il est absurde et contradictoire que le sou- verain se donne un supérieur: s'obliger d'obéir à un maître, c'est se remettre en pleine liberté ( 2 ).

De plus, il est évident que ce contrat du peuple avec telles ou telles personnes serait un acte parti- culier ; d'où il suit que ce contrat ne saurait être une loi ni un acte de souveraineté, et que par consé- quent il serait illégitime ( 3 ).

On voit encore que les parties contractantes seraient entre elles sous la seule loi de nature et sans aucun garant de leurs engagements réciproques, ce qui répugne de toutes manières à l'état civil : celui qui a la force en main étant toujours le maître de l'exécution, autant vaudrait donner le nom de contrat

( 4 ) Notamment Althusius, Hobbes, Locke, Jurieu, etc.

( 2 ) Car c'est dénoncer le pacte social. Par ce pacte, on accepte d'obéir absolument à la volonté générale : on ne peut donc accepter en même temps d'obéir à un maître particulier. Ce serait renoncer aux droits et devoirs de la société et reprendre sa liberté naturelle.

( 3 ) Voir II, iv et vi,

�� �