Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légitime [1]. Ainsi, tyran et usurpateur sont deux mots parfaitement synonymes.

Pour donner différente noms à différentes choses, j’appelle tyran l’usurpateur de l’autorité royale et despote l’usurpateur du pouvoir souverain. Le tyran est celui qui s’ingère contre les lois à gouverner selon les lois ; le despote est celui qui se met au-dessus des lois mêmes. Ainsi, le tyran peut n’être pas despote, mais le despote est toujours tyran.


CHAPITRE XI

DE LA MORT DU CORPS POLITIQUE

Telle est la pente naturelle et inévitable des gouvernements les mieux constitués. Si Sparte et Rome ont péri, quel État peut espérer de durer toujours ? Si nous voulons former un établissement durable, ne songeons donc point à le rendre éternel. Pour réussir, il ne faut pas tenter l’impossible, ni se flat-

  1. (a) « Omnes enim et habentur et dicuntur tyranni, qui potestate utuntur perpetua in ea civitate quæ libertate usa est. » (Corn. Nep., in Miltiad., c. 8). Il est vrai qu’Aristote (Mor. Nicom. liv. VIII, c. x) distingue le tyran du roi, en ce que le premier gouverne pour sa propre utilité et le second seulement pour l’utilité des sujets ; mais, outre que généralement tous les auteurs grecs ont pris le mot tyran dans un autre sens, comme il paraît surtout par le Hiéron de Xénophon, il s’ensuivrait de la distinction d’Aristote que, depuis le commencement du monde, il n’aurait pas encore existé un seul roi. (Note de Rousseau).