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CHAPITRE VI


DE LA MONARCHIE


Jusqu’ici nous avons considéré le prince comme une personne morale et collective, unie par la force des lois, et dépositaire dans l’État de la puissance exécutive. Nous avons maintenant à considérer cette puissance réunie entre les mains d’une personne naturelle, d’un homme réel, qui seul ait droit d’en disposer selon les lois[1]. C’est ce qu’on appelle un monarque ou un roi.

Tout au contraire des autres administrations, où un être collectif représente un individu, dans celle-ci un individu représente un être collectif[2] ; en sorte que l’unité morale qui constitue le prince est en même temps une unité physique, dans laquelle

  1. La monarchie légitime est donc, selon Rousseau, très différente du despotisme. L’autorité du roi lui vient du peuple souverain et il n’en peut user que conformément à la loi. La monarchie elle-même est « républicaine ».
  2. Le mot « représente » ne doit pas être ici pris à la lettre, car la souveraineté ne se délègue pas et le roi ne la « représente » pas plus que ne le fait n’importe quel collège de magistrats : voir II, i et III, xv. Rousseau veut dire simplement que dans l’aristocratie, par exemple, le corps des magistrats, être collectif, se comporte comme un individu, et que la loi s’efforce à grand peine de lui donner les attributs de la personnalité, une sensibilité, une volonté, un moi (cf. III, i), tandis que, dans la monarchie, c’est un individu réel qui rassemble dans sa personne toute la puissance exécutive que lui confient les membres du souverain.