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cratie. Il ne faut pas non plus une si grande nation que les chefs épars pour la gouverner puissent trancher du souverain chacun dans son département, et commencer par se rendre indépendants pour devenir enfin les maîtres.

Mais si l’aristocratie exige quelques vertus de moins que le gouvernement populaire, elle en exige aussi d’autres qui lui sont propres, comme la modération dans les riches et le contentement dans les pauvres[1] ; car il semble qu’une égalité rigoureuse y serait déplacée ; elle ne fut pas même observée à Sparte.

Au reste, si cette forme comporte une certaine inégalité de fortune, c’est bien pour qu’en général l’administration des affaires publiques soit confiée à ceux qui peuvent le mieux y donner tout leur temps, mais non pas, comme prétend Aristote, pour que les riches soient toujours préférés[2]. Au contraire, il importe qu’un choix opposé apprenne quelquefois au peuple qu’il y a dans le mérite des hommes des raisons de préférence plus importantes que la richesse.

  1. Montesquieu dit, à peu près dans les mêmes termes, « que la modération, qui est fondée sur la vertu », est l’âme des gouvernements aristocratiques. Espr. des L., y III, iv.
  2. Rousseau exagère ici quelque peu la théorie d’Aristote, dont la préférence pour les riches était moins absolue.