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INTRODUCTION l3

blés et fixes, du problème doivent être fournies par l'étude, non des lois, mais de l'homme, de sa constitution physique et morale et des conditions d'existence que lui impose la nature.

Si l'on veut connaître l'homme véritable, il faut le considérer à l'état de nature : c'est là le postulat commun de toutes les œuvres de Rousseau. Qu'est-ce donc que ce fameux état de nature et quels moyens avons-nous de le reconstituer ?

L'état de nature est « un état qui n'existe plus, qui n'a peut-être point existé, qui probablement n'existera jamais... ( 1 ) », mais « tant que nous ne connaîtrons point l'homme naturel, c'est en vain que nous voudrons déterminer la loi qu'il a reçue ou celle qui convient le mieux à sa constitution ( 2 ) ». Il ne s'agit donc pas d'un état vraiment primitif, mais d'une sorte d'abstraction destinée «à nous faire connaître la nature de l'homme ramenée à ses éléments essentiels-. « Il ne faut pas pren- dre les recherches dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels, plus propres à éclaircir la nature des choses qu'à nous en montrer la véritable origine et semblables à ceux que font tous les jours nos physiciens sur la formation du monde ( 3 ). » Essayons donc d'écarter par la pensée tout ce que la vie sociale a fait naître en l'homme de passions, de besoins et de facultés factices, que l'habi- tude peut modifier et même à la rigueur détruire puis- qu'elle a pu les engendrer, et qui, n'étant pas absolu- ment nécessaires à la vie, ne sont pas naturels, et nous trouverons l'état de nature. La nature, c'est en somme ce que la raison nous fait concevoir comme nécessaire.

En cet état, l'homme est guidé par des instincts ou

f 1 ) Disc, sur l'orig. de l'inég., préf., p. 220.

(-) Ibid., p. 223.

( 3 ) Ibid., préambule, p. 230.

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