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LIVRE TROISIEME 2CK)

la volonté dominante du prince n'est ou ne doit être que la volonté générale ou la loi ; sa force n'est que la force publique concentrée en lui : sitôt qu'il veut tirer de lui-même quelque acte absolu et indépen- dant, la liaison du tout commence à se relâcher. S'il arrivait enfin que le prince eût une volonté particu- lière plus active que celle du souverain, et qu'il usât, pour obéir à cette volonté particulière, de la force publique qui est dans ses mains, en sorte qu'on eût, pour ainsi dire, deux souverains, l'un de droit et l'autre de fait, à l'instant l'union sociale s'évanouirait, et le corps politique serait dis- sous (*).

Cependant, pour que le corps du gouvernement ait une existence, une vie réelle qui le distingue du corps de l'Etat ; pour que tous ses membres puissent agir de concert et répondre à la fin pour laquelle il est institué, il lui faut un moi particulier, une sensibilité commune à ses membres, une force, une volonté propre qui tende à sa conservation ( 8 ).

I 1 ) Si le prince détournait, pour son propre intérêt, une partie de la puissance qui ne lui est confiée que dans l'intérêt commun, il exercerait une autorité en partie légi- time et en partie illégitime. Les sujets ne sauraient plus quand ils lui devraient obéissance, et ils ne bénéficieraient plus, en tant que sujets, de la puissance qu'ils ont confiée au prince, en tant que membres du souverain. Le contrat social serait donc violé.

( 2 ) Le prince doit en effet se pénétrer de sentiments particuliers qui n'ont aucune raison d'être chez les simples citoyens, puisqu'il est chargé de fonctions spéciales. 11 y a, comme on le verra dans le chapitre suivant, une sorte « d'esprit de corps » naturel et nécessaire à la puissance executive. Rousseau d'ailleurs personnifie cet être abstrait et ce corps artificiel, tout comme il avait personnifié l'État lui-même, I, vi.

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