Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rousseau dans les Confessions, que tout tenait radicalement à la politique et que, de quelque façon qu’on s’y prît, aucun peuple ne serait que ce que la nature de son gouvernement le ferait être. Ainsi cette grande question du meilleur gouvernement possible me paraissait se réduire à celle-ci : quelle est la nature du gouvernement propre à former le peuple le plus vertueux,… le meilleur, enfin…[1]. »

Le caractère abstrait et théorique de la question qu’étudie le Contrat social est donc bien loin d’enlever à l’ouvrage son intérêt pratique. Rousseau était l’homme du monde le plus incapable de ne viser qu’à construire un système purement spéculatif. Si le pacte social n’est pas une réalité historique et ne tire pas des faits son autorité et sa valeur, il peut et il doit agir sur les faits, à titre d’idéal. Le contrat n’est pas du passé, mais il peut être de l’avenir. Rousseau s’est souvent défendu d’avoir eu des intentions révolutionnaires[2] : il croyait assurément les grands États de l’Europe moderne trop profondément corrompus et trop mal constitués pour qu’ils pussent jamais se modeler sur l’idéal qu’il avait tracé, et dont il ne se dissimulait pas les difficultés de réalisation. Pourtant, quand il écrivit le Contrat social, il croyait fermement que ses théories étaient applicables tout au moins aux petits États, pourvu qu’elles fussent accommodées aux faits et qu’on rencontrât un concours de circonstances favorables ; son projet de constitution pour la Pologne[3], ses lettres à {{M.|Butta-Foco[4] et surtout le curieux projet de constitution

  1. Conf., II, ix (1756).
  2. Notamment, Conf., passim ; — Lettre à Rey, 29 mai 1752 ; — VIe Lettre de la Montagne ; — 3e dialogue de Rousseau juge de J.-J. ; etc.
  3. Considérations sur le gouvernement de Pologne et sur la réformation projetée en Avril 1772.
  4. 17}} avril et 15 oct. 1764, 24 mars et 26 mai 1765.