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objet particulier n’est pas non plus une loi, mais un décret ; ni un acte de souveraineté, mais de magistrature[1].

J’appelle donc république tout État régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose[2]. Tout gouvernement légitime est républicain[3] : j’expliquerai ci-après ce que c’est que gouvernement[4].

Les lois ne sont proprement que les conditions de l’association civile. Le peuple, soumis aux lois, en doit être l’auteur ; il n’appartient qu’à ceux qui s’associent de régler les conditions de la société. Mais comment les règleront-ils ? Sera-ce d’un commun accord, par une inspiration subite ? Le corps politique a-t-il un organe pour énoncer ses volontés ? Qui lui donnera la prévoyance nécessaire pour en former les actes et les publier d’avance ? ou comment les prononcera-t-il au moment du besoin ? Comment une multitude aveugle, qui souvent ne

  1. On verra (III, iv) que le souverain ne peut légitimement rendre de tels décrets particuliers que dans la démocratie absolue, « gouvernement si parfait qu’il ne convient pas à des hommes ».
  2. République (res publica) signifie, étymologiquement, la chose publique.
  3. (a) Je n’entends pas seulement, par ce mot, une aristocratie ou une démocratie, mais en général tout gouvernement guidé par la volonté générale, qui est la loi. Pour être légitime, il ne faut pas que le gouvernement se confonde avec le souverain, mais qu’il en soit le ministre ; alors la monarchie elle-même est république. Ceci s’éclaircira dans le livre suivant (Note de Rousseau).
  4. Ce sera l’objet du livre III.