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LIVRE DEUXIÈME l65

mourir, même pour l'exemple, que celui qu'on ne peut conserver sans danger ( 1 ).

A l'égard du droit de faire grâce ou d'exempter un coupable d'une- peine portée par la loi et pro- noncée par le juge, il n'appartient qu'à celui qui est au-dessus du juge et de la loi, c'est-à-dire au souverain; encore son droit en ceci n'est-il pas bien net ( 2 ), et les cas d'en user sont-ils très rares. Dans un État bien gouverné, il y a peu de puni- tions, non parce qu'on fait beaucoup de grâces, mais parce qu'il y a peu de criminels ; la multitude des crimes en assure l'impunité lorsque l'État dépérit. Sous la république romaine, jamais le sénat ni les consuls ne tentèrent de faire grâce ; le peuple même n'en faisait pas, quoiqu'il révoquât quelquefois son propre jugement. Les fréquentes grâces annoncent que bientôt les forfaits n'en auront plus besoin, et chacun voit où cela mène. Mais je sens que mon cœur murmure et retient ma plume ; laissons dis- cuter ces questions à l'homme juste qui n'a point failli, et qui jamais n'eût lui-même besoin de grâce.

��(*) Le droit de légitime défense justifie donc seul le droit de punir et en détermine les limites. C'est à peu près la théorie qu'ont développée et popularisée, quelques années plus tard, les deux grands jurisconsultes italiens Beccaria

��et Filangieri.

��( 2 ) Il semble en effet qu'une grâce soit un acte particulier et échappe par là à la compétence du souverain .

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