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CHAPITRE II

DES PREMIÈRES SOCIÉTÉS


La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle[1] est celle de la famille : encore les enfants ne restent-ils liés au père x qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l’obéissance qu’ils devaient au père, le père, exempt des soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans l’indépendance. S’ils continuent de rester unis, ce n’est plus naturellement, c’est volontairement ; et la famille elle-même ne se maintient que par convention.


    mille contraintes : cela est vrai du riche comme du pauvre, du roi comme du sujet. Je ne me propose pas d’expliquer par quelle série de transformations historiques la société est arrivée peu à peu à l’état actuel : c’est là une question de fait que je ne puis résoudre. Je prétends seulement examiner d’après quels principes on peut justifier l’existence d’un ordre social dans lequel les hommes ne jouissent pas de leur liberté naturelle. Or, on en a donné deux principales raisons : 1o la force ; 2o une autorité naturelle de certains hommes sur leurs semblables. Je vais montrer que ces deux explications ne valent rien et que le seul principe légitime qui lie les hommes réside dans une convention. — C’est, en quelques lignes, le résumé des chap. II, III, IV et V, où toutes ces idées vont être développées et discutées.

  1. Dans ce passage, naturel signifie nécessaire : c’est ce que nous subissons, sans choix ni volonté, comme une conséquence nécessaire de la nature des choses. Ainsi, la famille, à ses débuts, est la seule société naturelle, parce que les membres en sont liés par une nécessité supérieure à leur volonté et qui se manifeste sous la forme de l’instinct, la nécessité d’assurer la continuation de l’espèce.