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leur pays, leurs anciens plaisirs, leur jeunesse & toutes leurs façons de vivre, excitent en eux une doute amere d’avoir perdu tout cela. La Musique alors n’agit point précisément comme Musique, mais comme signe mémoratif. Cet Air, quoique toujours le même, ne produit. plus aujourd’hui les mêmes effets qu’il produisoit ci-devant sur les Suisses ; parce qu’ayant perdu le goût de leur premiere simplicité, ils ne la regrettent plus quand ou la leur rappelle. Tant il est vrai que ce n’est pas dans leur action physique qu’il faut chercher les plus grands effets des Sons sur le cœur humain.

La maniere dont les Anciens notoient leur Musique étoit établie sur un fondement très-simple, qui étoit le rapport : des chiffres ; c’est-à-dire, par les lettres de leur Alphabet : mais au lieu de se borner, sur cette idée, à un petit nombre de caracteres faciles à retenir, ils se perdirent dans des. multitudes de signes diffèrent dont ils embrouillerent gratuitement leur Musique ; en sorte qu’ils avoient autant de manieres de noter que de Genres & de Modes. Boece prit dans, l’Alphabet Latin des caracteres correspondans à ceux des Grecs. Le Pape Grégoire perfectionna sa méthode. En 1024, Gui d’Arezzo, Bénédictin, introduisit l’usage des Portées ; (voy. PORTÉE.) sur les Lignes desquelles il marqua les Notes en forme de points ; (voyez NOTES.) désignant par leur position, l’élévation ou l’abaissement de la voix. Kirchcr, cependant, prétend que cette invention est antérieure à Gui ; & en effet, je n’ai pas vu dans les écrits de ce Moine qu’il se l’attribue : mais il inventa la Gamme, & appliqua aux