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qu’autrefois toutes les loix divines & humaines, les exhortations à la vertu, la connoissance de ce qui concernoit les Dieux & les Héros, les vies & les actions des hommes illustres étoient écrites en vers & chantées publiquement par des Chœurs au son des Instrumens ; & nous voyons, par nos Livres sacrés, que tels étoient, dès les premiers tems, les usages des Israélites. On n’avoit point trouvé de moyen plus efficace pour graver dans l’esprit des hommes les principes de la morale & l’amour de la vertu ; ou plutôt tout cela n’étoit point l’effet d’un moyen prémédité, mais de la grandeur des sentimens, & de l’élévation des idées qui cherchoient par des accens proportionnés à se faire un langage digne d’elles.

La Musique faisoit partie de l’étude des anciens Pythagoriciens. Ils s’en servoient pour exciter le cœur à des actions louables, & pour s’enflammer de l’amour de la vertu. Selon ces Philosophes, notre ame n’étoit, pour ainsi dire, formée que d’Harmonie, & ils croyoient rétablir, par la moyen de l’Harmonie sensuelle, l’Harmonie intellectuelle & primitive des facultés de l’ame ; c’est-à-dire, celle qui, selon eux, existoit en elle avant qu’elle animât nos corps, & lorsqu’elle habitoit les Cieux.

La Musique est déchue aujourd’hui de ce degré de puissance & de majesté, au point de nous faire douter de la vérité des merveilles qu’elle opéroit autrefois, quoiqu’attestées par les plus judicieux Historiens & par les plus graves Philosophes de l’Antiquité. Cependant on retrouve dans l’Histoire moderne quelques faits semblables. Si Timothée