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l’autre sera cas des traits recherchés. & tous deux appelleront élégance le Goût qu’ils auront préféré. Cette diversité vient tantôt de la différente disposition des organes, dont le Goût enseigne à tirer parti ; tantôt du caractere particulier de chaque homme, qui le rend plus sensible à un plaisir ou à un défaut qu’à un autre ; tantôt de la diversité d’âge ou de sexe, qui tourne les desirs vers des objets différens. Dans tous ces cas, chacun n’ayant que son Goût à opposer à celui d’un autre, il est évident qu’il n’ en faut point disputer.

Mais il y a aussi un Goût général sur lequel tous les gens bien organisés s’accordent ; & c’ est * celui-ci seulement auquel on peut donner absolument le nom de Goût. Faites entendre un Concert à des oreilles suffisamment exercées & à des hommes suffisamment instruits, le plus grand nombre s’accordera, pour l’ordinaire, sur le jugement des morceaux & sur l’ ordre préférence qui leur convient. Demandez à chacun raison de son jugement, il y a des choses sur lesquelles ils la rendront d’un avis presque unanime : ces choses sont celles qui se trouvent soumises aux regles ; & ce jugement commun est alors celui de l’Artiste ou du Connoisseur. Mais de ces choses qu’ils s’accordent à trouver bonnes ou mauvaises, il y en a sur lesquelles ils ne pourront autoriser leur jugement par aucune raison solide & commune à tous ce jugement appartient à l’homme de Goût. Que si l’unanimité parfaite ne s’y trouvé pas, c’est que tous ne. sont pas également bien organisés ; que tous ne sont pas gens de Goût, & que les préjugés de