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entende en partie l’une & l’autre à la fois, que par cette anticipation le sujet se lie pour ainsi dire à lui-même, & que l’art du Compositeur se montre dans ce concours. C’est se moquer que de donner pour Fugue un Chant qu’on ne fait que promener d’une Partie à l’autre, sans autre gêne que de l’accompagner ensuite à sa volonté. Cela mérite tout au plus le nom d’Imitation. (Voyez IMITATION.)

Outre ces regles, qui sont fondamentales, pour réussir dans ce genre de Composition, il y en a d’ autres qui, pour n’être que de goût, n’en sont pas moins essentielles. Les Fugues, en général, rendent la Musique plus bruyante qu’agréable ; c’est pourquoi elles conviennent mieux dans les Chœurs que par-tout ailleurs. Or comme leur principal mérite est de fixer toujours l’oreille sur le Chant principal ou sujet, qu’on fait pour cela passer incessamment de Partie en Partie, & de Modulation en Modulation ; le Compositeur doit mettre tous ses soins à rendre toujours ce Chant bien distinct, ou à empêcher qu’il ne soit étouffé ou confondu parmi les autres Parties. Il y a pour cela deux moyens ; l’un dans le mouvement qu’il faut sans cessé contraster ; de sorte que si la marche de la Fugue est précipitée, les autres Parties procedent posément par des Notes longues ; & au contraire, si la Fugue marche gravement, que les Accompagnemens travaillent davantage. Le second moyen est d’écarter l’Harmonie, de peur que les autres Parties, s’approchant trop de celle qui chante le sujet, ne se confondent avec elle, & ne l’empêchent de se faire entendre assez nettement ; en sorte que ce qui seroit un vice par-tout ailleurs, devient ici une, beauté.