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l’Ialeme & le Linos pour des occasions funebres & tristes. Ce Linos se chantoit aussi chez les Egyptiens, & s’appelloit par eux Maneros, du nom d’un de leurs Princes, au deuil duquel i1 avoir été chanté. Par un passage d’Euripide, cité par Athénée, on voit que le Linos pouvoit aussi marquer la joie.

Enfin, il y avoir encore des Hymnes ou Chansons en l’honneur des Dieux & des Héros. Telles étoient les Iules de Cérès & Proserpine, la Philelie d’Apollon, les Upinges de Diane, &c.

Ce genre passa des Grecs aux Latins, & plusieurs Odes d’Horace, sont des Chansons galantes ou bachiques. Mais cette Nation, plus guerriere que sensuelle, fit, durant très long-tems, un médiocre usage de la Musique & des Chansons, & n’a jamais approché, sur ce point, des graces de la volupté Grecque. Il paroît que le Chant resta toujours rude & grossier chez les Romains. Ce qu’ils chantoient aux noces, étoit plutôt des clameurs que des Chansons, & il n’est gueres à présumer que les Chansons satyriques des Soldats, aux triomphes de leurs Généraux, eussent une Mélodie fort agréable.

Les Modernes ont aussi leurs Chansons de différentes especes, selon le génie & le goût de chaque Nation. Mais les François l’emportent sur toute l’Europe, dans l’art de les composer, sinon pour le tour & la Mélodie des Airs, au moins pour le sel, la grace & la finesse des paroles ; quoique pour l’ordinaire l’esprit & la satyre s’y montrent bien mieux encore que le sentiment & la volupté. Ils se sont plus à cet amusement & y ont excellé dans tous les tems, témoin les anciens Troubadours. Cet heureux peuple est toujours gai,