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fort en usage, de même qu’en Espagne. On ne la connoît plus aujourd’hui qu’en France dans nos Opéra.

CHANSON. Espece de petit Poeme lyrique fort court, qui roule ordinairement sur des sujets agréables, auquel on ajoute un Air pour être chanté dans des occasions familieres, comme à table, avec ses amis, avec sa maîtresse, & même seul, pour éloigner, quelques instans, l’ennui si l’on est riche ; & pour supporter plus doucement la misere & le travail, si l’on est pauvre.

L’usage des Chansons semble être une suite naturelle de celui de la parole, & n’est en effet pas moins général ; car par-tout où l’on parle, on chante. Il n’a falu, pour les imaginer, que déployer ses organes, donner un tour agréable aux idées dont on aimoit à s’occuper, & fortifier par l’expression dont la voix est capable, le sentiment qu’on vouloit rendre, ou l’image qu’on vouloit peindre. Aussi les Anciens n’avoient-ils point encore l’art d’écrire, qu’ils avoient déjà des Chansons. Leurs Loix & leurs histoires, les louanges des Dieux & des Héros, furent chantées avant d’être écrites. Et de-là vient, selon Aristote, que le même nom Grec fut donne aux Loix & aux Chansons.

Toute la Poésie lyrique n’étoit proprement que des Chansons ; mais je dois me borner ici à parler de celle qui portoit plus particuliérement ce nom, & qui en avoit mieux le caractere selon nos idées.

Commençons par les Airs de table. Dans les premiers tems, dit M. de la Nauze, tous les Convives, au rapport de Dicéarque, de Plutarque & d’Artémon, chantoient ensemble,