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que quelques prétendus connoisseurs osoient nous donner. Pour ses quarante sols, le moindre poliçon se croyoit en droit de murmurer lorsque nous jouyons faux, ce qui troubloit très-fréquemment l’attention des spectateurs. Il n’y avoit pas jusqu’a certaines gens qu’on appelle, je crois, des Philosophes, qui sans le moindre respect pour une Académie Royale, n’eussent l’insolence de critiquer effrontément des personnes de notre sorte. Enfin, j’ai vu le moment qu’enfreignant sans pudeur nos antiques & respectables privilèges, on alloit les officiers du Roi a savoir la Musique, & a jouer tout de bon de l’instrument pour lequel ils sont payes.

Hélas. qu’est devenu le tems heureux de notre gloire ? Que sont devenue ces jours fortunes ou d’une voix unanime nous passions, parmi les anciens de la Chambre des Comptes & les meilleurs bourgeois de la rue St. Denis, pour le premier Orchestre l’Europe, ou l’on se pâmoit a cette célébré ouverture d’Isis a cette belle tempête d’Alcyone, a cette d’Alcyone, a cette brillante Logistille de Roland, & ou le bruit de notre premier coup d’archet s’elevoit jusqu’au ciel avec les acclamations du Parterre. Maintenant, chacun se mêle impudemment de contrôler notre exécution, & parce que nous ne jouons pas trop juste & que nous n’allons gueres bien ensemble, on nous traite sans façon de racleurs de boyau, & l’on nous chasseroit volontiers du spectacle si les sentinelles qui sont ainsi que nous au service du Roi, & par conséquent d’honnêtes gens & du bon parti, ne maintenoient un peu la subordination : mais, mes chers Camarades, qu’ai-je besoin, pour exciter votre juste colere, de vous rappeller notre antique splendeur,