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spectacle s’apperçut a son jeu précis & brillant que ce n’etoit pas l’Accompagnateur ordinaire. Je cherchai aussi-tôt les raisons de cette différence, car je ne doutois pas que le sieur Noblet ne fut bon harmoniste & n’accompagnât très-exactement : mais quelle fut ma surprise en observant les mains du petit bon-homme, de voir qu’il ne remplissoit presque jamais les accords, qu’il supprimoit beaucoup de sons, & n’employoit très-souvent que deux doigts, dont l’un sonnoit presque toujours l’octave de la Basse ! Quoi ! disois-je en moi-même, l’harmonie complète fait moins d’effet que l’harmonie mutilée, & nos Accompagnateurs en rendant tous les accords pleins, ne sont qu’un bruit confus, tandis que celui-ci avec moins de sons fait plus d’harmonie, ou du moins, rend son accompagnement plus sensible & plus agréable ! Ceci fut pour moi un problème inquiétant, & j’en compris encore mieux toute l’importance, quand après d’autres observations je vis que les Italiens accompagnoient tous de la même maniere que le petit Bambin, & que, par conséquent, cette épargne dans leur accompagnement, devoit tenir au même principe que celle qu’ils affectent dans leurs partitions.

Je comprenois bien que la Basse étant le fondement de toute l’harmonie, doit toujours dominer sur le reste, & que quand les autres parties l’étouffent ou la couvrent, il en résulte une confusion qui peut rendre l’harmonie plus sourde ; & je m’expliquois ainsi pourquoi les Italiens, si économes de leur main droite dans l’accompagnement, redoublent ordinairement a la gauche l’octave de la Basse ; pourquoi ils mettent tant de Contre-basses dans leurs Orchestres, & pourquoi ils