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LETTRE SUR LA MUSIQUE FRANçOISE.

Stunt verba & voces, praetereàque nihil.

Vous souvenez-vous, Monsieur, de l’histoire de cet enfant de Silésie, dont parle M. de Fontenelle, & qui etoit ne avec une dent d’or ? Tous les Docteurs de l’Allemagne s’épuiserent d’abord en savantes dissertations, pour expliquer comment on pouvoit naître avec une dent d’or : la derniere chose dont on s’avisa sur de versifier le fait, & il se trouva que la dent n’etoit pas d’or. Pour éviter un semblable inconvénient, avant que de parler de l’excellence de notre Musique, il seroit peut-être bon de s’assurer de son existence, & d’examiner d’abord, non pas si elle est d’or, mais si nous en avons une.

Les Allemands, les Espagnols & les Anglois, ont longtems prétendu posséder une Musique propre a leur langue : en effet, ils avoient des Opéra Nationaux qu’ils admiroient de très-bonne foi, & ils etoient bien persuades qu’il y alloit de leur gloire a laisser abolir ces chefs-d’œuvre insupportables a